L’artiste est celui qui a mis au point un langage. La manière de Godard se reconnaît au rythme d’un découpage qui accorde à l’image une place égale à celle qui est faite au texte et au son, un ballet calé au millimètre. Le cinéma de Godard est le produit d’une fusion entre le visible et l’invisible, l’histoire palpable et l’intangible, la mise en scène et le montage.

Les fondements du langage artistique constituent l’objet des recherches en bande dessinée de Dupuy. En confrontant son propre medium à celui de musiciens, de peintres, d’un cinéaste désormais, il tente de décrypter les processus créatifs qui conduisent à une synthèse esthétique. A-t-il rencontré Godard, l’a-t-il rêvé, peu importe. Ce qui ressort de la confrontation qu’il propose entre son livre et l’œuvre de l’artiste controversé, c’est une déambulation échevelée dans un univers réputé hermétique mais tellement sensible et captivant. Dupuy adopte les associations de Godard, celles des mots, celles des couleurs primaires. Il se fond dans le même registre d’humour caustique, celui qui consiste à laisser entrevoir l’abîme entre les questions et les questions cachées qu’elles suscitent. 

Comment l’intelligence artistique naît-elle ? Souvent d’une étincelle : l’envie d’écrire ce livre est arrivée à la lecture d’un propos du réalisateur affirmant qu’il aurait bien aimé savoir dessiner « même pas habilement comme un dessinateur de bande dessinée ».