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Coup de Coeur

Yann, libraire chez TRIBULLES

Pour son deuxième album en solo, Jordi Lafebre frappe encore une fois très fort ! Après « Malgré Tout », une belle histoire d’amour à rebours, il nous prouve une nouvelle fois qu’il faut désormais compter sur lui comme un grand orfèvre du scénario. Car ici, il s’agit bien d’un savant mélange entre un polar, une satire sociale et une sorte de pièce de théâtre humoristique.
Eva, psychiatre complètement déjantée, enquête sur la mort d’un membre de la famille d’une de ses amis et patiente. L’originalité de cette BD est de découvrir ce crime raconté par Eva à son propre psy. L’histoire va alors être une succession d’aller-retours entre la présente psychanalyse et les événements passés sur le lieu du drame. Vous allez sourire et rire plusieurs fois en suivant cette femme et Ses femmes (vous comprendrez en lisant !) au(x) caractère(s) bien trempé(s).
Pourtant, ne vous y trompez pas, il s’agit d’un vrai polar qui vous tient en haleine jusqu’à la dernière page. C’est là qu’on se rend compte du génie de Jordi Lafebre et de son talent de scénariste mais aussi d’illustrateur. Je me suis surpris à reprendre la BD au début en me disant « mais oui ! C’est bien sûr ! » à observer chaque case. Quel dessin ! C’est précis, énergique, on croirait presque voir les personnages s’animer ! C’est certainement là une partie de son génie graphique : comme pour « Malgré Tout », j’ai eu plusieurs fois l’impression de voir un film d’animation.
C’est certainement pour moi un des albums à offrir et s’offrir pour cette fin d’année. Vivement le prochain !

Cet album est également un Coup de Cœur de Bertrand, Raphael, David et Clémence.

Publié le 5 fév. 2025

Vol au-dessus d'un nid de coucou

Fred, libraire chez ESPRIT BD

Le principal écueil auquel sont confrontés les surdoués, c’est de sans cesse se heurter à des malentendus qui ne sont que la conséquence du décalage de perception qu’ils vivent par rapport au commun des mortels. Eva Rojas n’est pas fine que de traits et de corps, elle comprend vite et bien, elle a toujours un temps d’avance dans l’analyse de l’environnement mouvant, qu’il s’agisse de jauger les humains ou de comprendre les choses cachées derrière les choses. C’est sans doute pour cette raison qu’on s’accorde poliment, à défaut de parler ouvertement de folie, à lui concéder un comportement « erratique ». 

Jordi Lafebre a inventé un personnage hors norme et tellement attachant qu’on regrette presque qu’il ne s’inscrive dans une série au long cours. Dans Je suis leur silence (titre ô combien évocateur), la modernité côtoie la permanence avec une irréductible évidence. Eva incarne de sa chair et de son âme un air du temps qui on l’espère perdurera comme l’est destinée l’architecture de Barcelone, ville centrale de l’intrigue. La féminité qu’elle trimbale comme un blason fait écho à l’intelligence féministe de Lafebre, qui se traduit à la fois dans les textes et dans la structure de son récit, sans jamais tomber dans le cliché de genre, une gageure pour un auteur qui après tout n’est qu’un homme.

Je suis leur silence est élégance et humour discret, de la même façon qu’Eva porte à merveille la coiffure désordonnée de Naruto.

Publié le 26 nov. 2024