Nick est un jeune adulte cynique et déconnecté du monde qui passe ses journées cloîtré dans son appartement ou de café en bar aux noms tous plus loufoques les uns que les autres. Il s’intéresse peu aux autres êtres humains et ils le lui rendent bien, mais malgré son détachement feint, Nick sent bien que quelque chose lui manque…

Au dedans,  avec un dessin, une narration et un découpage plus que maîtrisé, est le parfait mix de tout ce que l’on recherche dans une bonne BD ! Surprenante, à la fois drôle et émouvante, elle sonne parfaitement juste et invite le lecteur à questionner ses relations aussi bien aux autres qu'à soi-même. une réussite de la première à la dernière page !

S'interroger, toujours s'interroger, c'est ce que notre héros (ou antihéros ?) Nick ne cesse de faire : quel est mon rôle dans la société ? Suis-je un bon fils ? Un bon amant ?

L'occasion pour nous, lecteurs, de nous identifier ou – du moins – d'observer comme un rat de laboratoire ce personnage (légèrement autobiographique) riche, ambigu, dans des situations parfois très drôles, parfois moins.

Première œuvre de l'américain Will McPhail, dont le scénario est sublimé par une mise en bulles et en cases très singulière et inventive.

Un grand merci aux éditions 404 pour ce premier coup de cœur 2024.

Marine.

Will McPhail est un drôle de bonhomme. Graphiste hors pair, invité permanent des pages du New-Yorker au sein desquelles l’humour et l’élégance de ses dessins prolongent la tradition de photographie des mœurs citadines confiée par le magazine à ses collaborateurs, il attend d’avoir trente-cinq ans pour publier sa première bande dessinée. Peut-être avait-il besoin de cette expérience qui oblige à concentrer un monde en un seul tableau pour que s’imposât la nécessité de s’étendre, d’embrasser la longueur.
Il est un drôle de type parce que sous les traits de Nick, le personnage principal d’Au-dedans., c’est bien lui qui apparaît, sans fioriture, sans équivoque, avec des yeux exorbités qui traduisent à la fois la surprise et le désarroi. Dès lors, les atermoiements du jeune homme perdu dans la faune des bars aux noms aussi fantaisistes que ses sentiments sont imprécis – comme les t-shirts interactifs de Lupus – prennent l’allure d’une décapotable lancée sur une autoroute d’autofiction. Au gré des rencontres, sa capacité à se lier à autrui, y compris dans son entourage le plus proche, sera mise à rude épreuve.
McPhail est un drôle d’auteur : un seul livre lui suffit pour asseoir une patte d’auteur. Si la trame mélancolique qui habille chaque ressort de son récit en paraît l’aspect le plus prégnant, l’humour vient s’opposer à la nuit à travers des élans graphiques hérités du dynamisme de Watterson et des pages en couleurs qui retiennent le temps dans une caisse de résonance idéalisée.

Un ouvrage troublant et touchant. Nick a du mal à se connecter avec les autres. Il ne sait plus composer avec les discussions polies, conventionnelles et superficielles que nous entretenons tous les uns avec les autres. Il aimerait être sincère avec les gens qu'il croise, il aimerait dire des choses importantes. Peut-être qu'alors, il ressentirait quelque chose. Au-Dedans questionne nos liens avec l'extérieur et ce que l'on éprouve réellement. La trouvaille graphique de l'auteur pour exprimer les épiphanies de son personnage est poétique et fonctionne à merveille ! Une très jolie surprise !

Nommé pour le prix des Libraires Canal BD dès son premier album, l'illustrateur Will Mc Phail marquera à tout jamais votre rétine et votre esprit. D'un style qui sera dorénavant reconnaissable entre mille, notamment par ses dessins d'yeux globuleux qui peuvent repousser dans un premier temps, Mc Phail signe avec un trait se rapprochant d'un style réaliste dynamique, un récit graphique en noir et blanc teinté par moment de couleurs. Dès son premier récit, Mc Phail se libère du carcan des traditionnels découpages dans le 9e Art. Ici, il oscille entre illustrations pleine page, gaufriers plus traditionnels et compositions de planches allégées n'accueillant que quelques cases. C'est un véritable souffle graphique que nous propose le jeune illustrateur pour autant confirmé du New Yorker.

Mais au delà du travail graphique magnifiquement déroutant, McPhail saisit avec justesse le malaise de notre génération et de celles à venir. Ce sentiment de solitude dans une période où il n'a jamais été aussi simple d'être en contact. Ce sentiment de devoir paraître en permanence alors que ceux qui influencent ce besoin d'apparence eux-mêmes, ne font que sélectionner les moments où ils paraissent sous leur meilleur jour et que l'autre partie de la société nous enjoint à s'aimer tel que l'on est. Ce sentiment de ne pouvoir exprimer ses émotions profondes ou même superficielles de peur d'être mis au ban par ses proches mais surtout par les gens avec qui nous n'avons pas le moindre véritable contact. Ce sentiment de ne pas être là à l'instant présent. Ce sentiment de ne pas connaître l'autre, de ne pas se connaître tout à fait soi-même.

C'est avec cette franchise incroyable que McPhail pose les mots justes dans la bouche de son héros Nick et illustre l'un des récits les plus intimes et les plus émouvants qu'il m'ait été donné de lire et je ne vous cache pas, quelque part aussi, le plus drôle qui soit dès lors que l'on est curieux et capable d'auto-dérision. Un récit bourré d'émotions, d'intelligence, de beauté qui vous fera le plus grand bien et qui prouve que la Bande-Dessinée est un Grand Art !