On démarre avec un 3615 code TAVIE, j’ai dû faire dépenser à mes parents, sur toute mon adolescence, l’équivalent d’un scoot neuf en magazines de rock, de musique, de sélections plus ou moins valables, façon « Les 100 disques des années 60-70 », « La discothèque Idéale du Rock », et tutti quanti.
M’en voulant un peu, j’ai d’abord eu un peu la dent dure sur l’ouvrage de Le Gouëfflec et Moog (qui sont deux auteurs à l’excellente bibliographie au demeurant) en me disant que nous en avions tous soupé, de cet exercice de style.
Et puis, cette bible (oui, allons-y dans les superlatifs) qui s’organise en chroniques, vous en laisse lire une, puis deux, puis on arrive bien content à la fin des 300+ pages, curieux de jeter une oreille à certaines curiosités lues ici ou là.
Ce revirement tient à quelques arguments : le tout premier, on le répète, c’est le talent du duo. Le Gouëfflec n’en est pas à son premier coup d’essai, et il a l’intelligence de varier les angles d’attaque des différents artistes ou mouvements qu’il biographe. C’est donc une histoire globale qui se dessine, à ceci près qu’elle montre toujours des portraits de personnes ayant choisi les chemins de traverse, qui ont toujours un truc un peu krumi, étrange, qui ne leur a pas fait rencontrer LE succès tel qu’on l’entend. Suffisamment global pour avoir une idée générale, mais assez varié pour ne pas s’ennuyer.
De deux, c’est le dessin de Nicolas Moog, qui fait respirer les pages, on est là pour de la biographie hein, pas du médiéval fantasy, mais il multiplie les registres de dessin, du cartoon à l’hyper réaliste qui est franchement bien mené. Il est vrai qu’entre les reprises des portraits, des pochettes emblématiques, et la nécessité de garder un rythme intéressant, il y a du challenge, relevé bien entendu.
De trois c’est la richesse du propos : ce terme underground traite d’artistes ayant été (et le restant parfois après leur mort) inconnu(e)s de leur vivant. Y voir Boris Vian notamment permet une bonne séance de rattrapage et une discographie sélectionnée afin de se (re)familiariser avec le sire. Et pour autant, on va ensuite trouver une chronique sur une prêtresse de la musique drone des 70’s. Du grand écart, du grand art !
De quatre, cela permet de se rendre compte de la formidable capacité de l’esprit humain à créer, même des choses parfois bancales ou qui peuvent sembler laides, rébarbatives, mais foncièrement attachantes pour peu que l’on décide de sauter dans le vide de l’inconnu et de l’inconfort artistique en quelque sorte.
Attention, petite note d’intention : ce livre est comme un livre de recettes qu’il faut utiliser avec parcimonie afin de varier son alimentation mélomane. On reste persuadé qu’il faut écouter un peu de tout et ne pas forcément verser dans le plaisir dédaigneux de ne jurer que par les artistes ici présenté(e)s : mine de rien on a affaire à une sacrée galerie de cassos écorché(e)s vif(ve)s, qui peuvent salement imprégner votre quotidien. Le jeu en vaut-il la chandelle ? A vous de voir, et puis on ne va (et veut) pas démarrer une twitterade sur la subjectivité de la musique.
Pour résumer, c’est une excellente et écclectique sélection joliment mise en images par de vrais amoureux de l’étrange musical, et ça vaut bien le détour afin d’en un sens plonger dans les recoins sombres de l’esprit humain par son expression musicale.
Du très bon !