Celestia
- Série : Celestia
- Dessin : Manuele Fior
- Scénario : Manuele Fior
- Éditeur : ATRABILE
- Label : LABEL
- Date de parution : 20 août 2020
Dernière mise à jour : 6 mars 2025 10:27
Dernière mise à jour : 6 mars 2025 10:27
Celestia est une petite île ayant fait sauter le seul pont qui la reliait au continent afin de lutter contre l’Invasion qui a décimé une large partie de l’humanité. Certains ont développé une compétence télépathe, et le docteur Vivaldi les a pris sous son aile pour essayer de les faire tirer le plus de ce pouvoir. L’un d’eux, son fils Pierrot, tâche de retrouver une de ses camarades ayant disparue, mais Pierrot fraye la faune des bas-fonds de la ville et va être forcé à l’exil sur le continent, si énigmatique pour un
insulaire, pour leur échapper…
La rentrée littéraire n’a même pas officiellement démarré que les grosses cartouches sont tirées : Celestia en fait clairement partie. C’est le dernier travail en date de Manuele Fior, qui s’était fait connaître du grand public avec Cinq Mille Kilomètres par Seconde, et a eu à cœur de creuser le sillon d’une science-fiction très élégante, épurée, et se concentrant aussi sur la personnalité des protagonistes et de leurs relations, L’Entrevue chez Futuropolis en étant un bon exemple.
Mentionnons tout d’abord ce qui nous saute tous au visage lorsque l’on feuillette un livre : le dessin. Et nous sommes régulièrement amateurs de superlatif, mais il faut bien admettre qu’ici le niveau est époustouflant, employant le langage de la peinture pour nous en mettre plein les yeux et qui conforte Manuel Fior dans ce registre qu’on lui connait, mais qui surtout en fait un maître, un virtuose. L’emploi des couleurs et de la touche dans chacune des cases est adéquat pour insuffler une ambiance particulière, qui tient la narration au millimètre et qui semble être le fruit d’une réflexion importante. Forcément, chaque page est un régal. Le découpage est lui aussi parfaitement maîtrisé, des extravagances servant toujours le fil du récit, des pleines pages nous faisant bien comprendre là où l’on est, et nous donne le plaisir de se promener un peu dans Celestia, sorte de Venise fantasmée.
Nous parlons de Venise ici, car Celestia est une lagune et en rappelle dans sa construction, mais l’album entier repose sur un univers riche qui donne corps au propos de l’album. Il est fait part belle à l’architecture, tantôt classique, tantôt futuriste et délirante mais toujours somptueuse. La technologie est aussi très rétro-futuriste, présentée avec candeur et épure comme pouvaient le faire des récits comme Fahrenheit 451. Bref, on est loin du space-opéra, mais dis plus haut, c’est l’élégance qui prime, et c’est parfaitement intégré au récit.
On parle de couleurs, de décors, mais c’est au final ce qu’est Celestia : un film. Le travail de Fior est tel que tant le choix du cadre et la prise de vue, que la lumière de chacune des scènes par le choix de ses couleurs en fait non seulement un réalisateur mais aussi un chef opérateur. Que l’on ne se trompe pas, c’est la fluidité du récit (ça se lit très bien) et de voir des ambiances très différentes entre chaque scène qui nous pousse à ce constat : bien entendu la bande dessinée et le cinéma partagent beaucoup en commun, rien de novateur dans mes propos, mais j’ai l’impression que c’est la volonté de Fior d’utiliser un langage très cinématographique à travers ses outils de dessinateur et c’est ce qui rend Celestia très attirant.
Les personnages ne sont pas en reste, ils ont une vraie densité, une vraie palette émotionnelle et ne sont pas uniquement au service du récit. Leurs fragilités où les pulsions, leur part sombre, se devine à bien des moments.
D’une relation un peu poucave au départ sortent des choses parfois belles, parfois non, mais le grand gagnant de tout ça c’est le récit, et son auteur qui arrive à apporter beaucoup de subtilité à un récit qui décidément se révèle être un des grands moments de lecture de cette (presque arrivée) rentrée littéraire.
Si vous aimez la SF qui fait la part belle à ses personnages et surtout à leurs relations, une SF qui étudie les rapports humains, une SF qui n’en est pas forcément et qui fout une belle mandale graphique dans la tronche, et bien lisez Celestia.
Cet album est également un Coup de Cœur de David !
Publié le 6 mars 2025