Les trios sont souvent sujets de romances et certaines d’entre elles habiteront éternellement nos mémoires. Peut-être parce leurs histoires sont tristes. Le trio des Fusibles rappelle par certains côtés celui de Cinq mille kilomètres par seconde de Manuele Fior. L’adolescence, l’éloignement, la mesure du temps qui passe. Il s’agit tout simplement de la vie.

On devine que les liens unissant Abel, Georges et Sarah se sont tissés sur les décombres du Beyrouth des années 80. L’amitié défiera le temps, l’amour sera soumis à la rêverie, comme peut l’être le désir de liberté d’individus devenus à leur corps défendant victimes de l’intolérance et de la guerre. L’imagination des enfants peut leur permettre de s’y soustraire, aux adultes reste la possibilité de l’exil.

Avec une grande justesse de dialogues, Joseph Safieddine construit un roman porté par la profonde humanité de ses personnages. Le rythme de la structure narrative doit beaucoup à la cadence d’ellipses saupoudrées suffisamment finement pour intégrer l’intelligence du lecteur dans l’appréhension des enjeux du récit. Le style de Cyril Doisneau, dans la lignée de celui de Dupuy-Berbérian, répondant tout en élégance au carcan classique du gaufrier, campe un compagnon de jeu idéal. Après ceux du compteur électrique et ceux que figurent les populations prises en tenaille au cœur des conflits, nous espérons faire partie des nombreux fusibles qui permettront à ce livre de briller longtemps.