Western crépusculaire intense et sublime voilà ce qu'est ce "Revoir Comanche" de Romain Renard aux éditions du Lombard.
Hommage adoubé par Hermann à sa cultissime série "Comanche", ce récit raconte le dernier voyage de Red Dust; le porte flingue de la belle Comanche dont les aventures se sont déroulées à la fin de la grande époque des Cow-Boys.
En 1932, date précise à laquelle se déroule ce dernier road trip de Dust mis en image par Romain, les cow-boys ne sont presque plus. C'est la fin d'un monde; la modernité traverse l'Amérique laissant de côté celles et ceux qui n'ont pu ou su s'adapter. C'est précisément le cas de notre anti-héros, qui, à la suite d'une rencontre avec une jeune journaliste, va se lancer à la recherche de Comanche pour la revoir. Mais ce voyage va l'emmener à se heurter au futur de l'Amérique mais, et aussi peut-être, surtout à ses démons du passé.
Nul besoin de connaître la série originelle pour appréhender ce roman graphique auto-conclusif.
Romain raconte une histoire bien plus universelle qu'il n'y parait; il y est question d'amour, de non-dit, d'échecs, de violences, de rédemptions, de manipulations, de découvertes, de voyages, de beautés. Celles et ceux connaissant le récit originel y verront les "easter eggs" et se réjouiront de les déceler mais le plaisir des non-initiés n'en sera pas réduit.
C'est un récit à la John Steinbeck, à la Cormac Mc Carthy, qui à travers la rudesse arrive à montrer la beauté.
Romain Renard, qui est passé au numérique en prévision de l'adaptation de son chef d'œuvre "Melville" au cinéma, immortalise son récit avec de grandes cases muettes absolument sublimes presque photo réalistes laissant planer notre regard dans cette image d'une Amérique changeante, traversant les grandes forêts, les Dust Bowl, les villages abandonnés et les maisons de maître isolées comme l'a fait avec la photographie Walker Evans.
Restant fidèle à son dessin et à son traitement en nuance de blanc et noir, Romain ne cherche pas à trucher celui d'Hermann, et pose dans ses décors des personnages aux traits burinés, aux rondeurs élégantes, aux regards sombres ou rieurs, aux langages corporels justes… des gens, qui ont, familièrement parlant, "des Gueules" devenant acteurs dans ces décors qui, eux, existent avant et existeront après le passages des protagonistes de ce récit.
Ainsi, rares sont les moments dans le 9e Art, où illustration et scénario nous offre une telle immersion.
Qui plus est, la lecture peut aussi s'accompagner d'une Bande-Son réalisée par Romain lui-même et qui nous plonge plus encore dans l'ambiance.
Bref, un album en tout point sublime.
Cet album est également un coup de cœur de Betrand, Clémence, Yann, Livio et Raphaël.