Dans le paysage de la bande dessinée moderne, la singularité d’Alain Kokor s’affirme autour des rendez-vous qu’il nous donne de façon régulière, comme un ami éloigné envoie des nouvelles de l’autre bout du monde, à chaque fois étonnantes, à chaque fois prodigieuses. Son chez-lui devient identifiable au fur et à mesure que les livres se succèdent ; on pourrait le situer au centre d’un triangle reliant la poésie, la tendresse et l’humour. C’est peu dire qu’avec le dramaturge Diastème, il a trouvé à qui parler ! Kokor se fiche de la pesanteur du réel. Ses personnages virevoltent, dansent et rêvent, pressent la pulpe de la vie au mépris du qu’en-dira-t-on. Simon et Lucie, il les a empruntés à Diastème, qui les lui a cédés de bon cœur, et d’un triptyque aux volets distants les uns des autres, il a construit une grosse et magnifique maison de réunion, ce genre d’architecture qui accueille le rire et les larmes. Kokor est un hypersensible contagieux. Simon & Lucie représente la somme de son travail consacré à ceux qui « délaissant les grands axes [ont] pris la contre-allée ». Avec cette histoire d’amour fou (dans tous les sens du terme), il signe à fleur de peau l’un de ses livres les plus émouvants.