C’est en fonction de l’intensité de leur cruauté qu’on se souvient le mieux des contes de notre enfance mais Terrible est si cruel qu’il est recommandé de ne pas le laisser à portée d’enfant. Vous n’y croyez pas ? La rondeur du dessin, la douceur des aquarelles, l’expressivité des personnages vous égare. La robe de princesse, l’ourse en peluche ? Non, vous n’y êtes pas. Gaël Henry s’est amusé à détourner le conte russe Vassilissa-la-très-belle en lui adjoignant deux visiteurs de notre temps, Ana et son petit frère Noa, qui se perdront dès les premières pages dans l’absurdité d’un monde dont ils devront appréhender les dangers afin d’éviter de périr. Combien de mois s’écouleront dans ce labyrinthe ? Suffisamment pour qu’Ana devienne… ah mais non, on n’en dira pas davantage. Achetez-le pour savoir ! Terrible, c’est terrible et drôle à la fois. Une plongée cynique dans un métavers pavé d’intentions malhonnêtes, qui finit vachement bien !

On adore le travail de Gaël Henry depuis la parution d'Alexandre Jacob chez Sarbacane, qu'on ne saurait trop vous recommander. Il nous livre avec Terrible un récit dont l'énorme ressource scénaristique montre qu'au premier degré la logique des contes est foncièrement fallacieuse, violente et surtout étonnamment dénigrante de la Femme (tiens tiens). On suit donc Ana et Noé qui se retrouvent propulsés dans un monde fantastique, et cherchent coûte que coûte à rentrer chez eux. Mais insidieusement la nasse se referme. L'histoire est servie par une galerie de personnages drôles, attachants, bien campés et bien sûr le décalage d'un minimum de jugeotte et d'esprit contemporain face à une symbolique tronquée, violente et désuète fonctionne à plein, pour nous offrir de véritables moments de bravoure. Ce qui est fascinant, c'est que l'histoire contamine de plus en plus l'esprit de l'héroïne principale et que face à un milieu hostile, elle trouve certes des moyens mais on voit sa candeur, sa détermination s'émousser jusqu'à accepter une logique qui à force de traumatismes ou d'expériences plus heureuses la fait rentrer dans le moule. Une vraie fable douce-amère, menée de main de maître qui fournit un humour grinçant de haute volée, à ranger pas loin de l'excellent "Furieuse", qui ravive les mêmes plaisirs de lecture. Un régal !