De nos jours, si l'on s'approche du cimetière de la petite ville de Paterna, près de Valence, on peut y trouver, juste à côté des tombes habituels, des carrés de faïence collés les uns aux autres annotés de noms. En dessous des fosses communes, abritant sur 6 mètres de profondeurs les deux cents dépouilles fusillées sous le régime Franquiste et misent pêle-mêle depuis 1940 attendent patiemment. Une fille de 80 ans, Pépica Celda, après avoir vaincu un parcours labyrinthique dans les couloirs des procédures officielles, a enfin obtenu le droit d'ouvrir la fosse n°146 du cimetière afin de pouvoir espérer authentifier le corps de son père pour enfin l'amener dans le tombeau familial, près de sa mère. Une promesse faite il y a de cela des années... 

Rodrigo Terasa, journaliste au quotidien libérale El Mundo, aura mis quelque huit années afin d'obtenir du dessinateur Paco Roca l'aval afin de concrétiser ce projet. Il a bien fait d'être si tenace. De quoi nous parle cet album ? Du régime franquisme, de la terreur au quotidien sous dictature ? Oui, mais ce récit alternant l'histoire des pères et ceux des enfants devenues adulte, nous parle de destins brisés et des actes héroïques qui illumine le sordide. Ce "one-shot" déroulant des récits de vies authentiques abasourdit le lecteur. Le manque d'égard sur ses hommes et ses femmes tués montre bien là le déni d'un état hanté par son passé. Bref, voici une œuvre historique, forte, touchante se trouvant être à la croisée de la "Liste de schindler" et du "photographe".

Bien après la fin de la guerre d'Espagne, le régime franquiste a continué à réprimer et exécuter tout ce qu'il considérait comme une opposition.

De nos jours, une octogénaire affronte l'amnésie légale pour tenter de retrouver la dépouille de son mari enterré dans une fosse commune après avoir été fusillé.

Quelques années après l'excellent "la Nueve", Paco Rocca continue d'explorer le passé de son pays avec un récit poignant.