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Le sacré et le profane

Fred, libraire chez ESPRIT BD

Le portrait des trois femmes au destin tragique que dresse Nine Antico s’accorde aux besoins du récit de Madones et putains, c’est-à-dire trois visions de l’Italie du XXe siècle (début, milieu, fin) par le prisme de ses luttes intestines. L’identité italienne, et d’autant plus au sud du pays, s’est construite autour de la prééminence de la pensée catholique et d’une organisation sociale et économique pilotée en sous-main par les mafias. Les vingt ans de fascisme au pouvoir n’auront rien arrangé à la violence ordinaire ni à la cause des femmes auxquelles le rôle que la société des hommes aura assigné est résumé en ces deux noms du titre. Le sacré. Le profane.

Le traitement qu’Antico réserve au thème est soumis à une grande liberté qui se traduit simultanément dans le ton et l’image. La couverture à la Courbet cache le noir profond qui domine l’ensemble, à peine perturbé par quelques touches de couleur ou les saillies de dialogues inspirés, souvent drôles, référencés, véhicules d’une prise de distance qui aide à vivre. On se prend dans le tourbillon des pages au découpage acéré à aimer ces victimes (ou ces saintes) plus que n’importe qui. Voilà les forces du livre, celles de la mise à nu des personnages et de la rigueur narrative qui ne sublime son sujet que pour rendre visite aux friches architecturales de l’absurdité politique italienne, l’incomputio, peut-être pour servir de passerelle à un prochain livre qui parlerait de la mutation artistique d’édifices détournés de leur fonction première, comme l’est trop souvent le statut des humaines.

Publié le 26 nov. 2024