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Retour vers le futur

Fred, libraire chez ESPRIT BD

Gwen de Bonneval est un homme taciturne et inquiet. Il fait partie d’un cercle moderne et de moins en moins fermé, celui des éco-anxieux. Il se sent accablé de responsabilités à plus d’un titre : responsable d’appartenir à une humanité destructrice et aveugle ; responsable d’un enfant qui devra affronter un monde à l’avenir incertain ; responsable ou plutôt garant d’un héritage familial bancal et lui aussi anxiogène.
Ce livre constitue une étape charnière de sa vie et son œuvre, une nécessité. Lui l’artiste, le dessinateur, le conteur, il ose se pencher, à la fois graphiquement et d’une manière qui relève de la psychanalyse, sur toutes les connexions qui ont abouti à sa mélancolie. Les thèmes et les époques se répondent, se distordent et se rejoignent dans un dispositif de mise en scène anarchique mais très maîtrisé. C’est d’ailleurs la grande qualité de Philiations : tous les facteurs perturbateurs d’un fil narratif trop sage y sont les bienvenus. On touche à la perfection quand le présent s’invite et semble souffler un vent d’improvisation à cette recherche du moi perdu. Parce que c’est là que le Bonneval est le meilleur : quand il est bousculé.

Publié le 26 nov. 2024

David, libraire chez TRIBULLES

Les éditions Dupuis ont l’heureuse tendance d’organiser des rencontres à distance avec les auteurs publiant leurs nouveautés au sein de leur catalogue. Dernièrement, c’est Gwen De Bonneval que nous avons eu le plaisir d’écouter, d’interroger, de découvrir pour son album « Philiations » dans la collection Aire Libre. Et c’est suite à cette rencontre à distance que l’envie de lire sa nouveauté est née et ce alors que l’album semblait être une énième autobiographie plaintive. L’album commence avec cette note explicative : Philiations : mot créé à partir de Philia (en grec ancien philia, amitié, hospitalité, appartenance à un groupe social) et de filiations, pour exprimer les liens entre les êtres – humains ou non humains – à travers les générations, leur interconnexion, leur interdépendance, partageant un destin commun sur Terre.

Gwen nous raconte donc ses angoisses face au réchauffement climatique et au bouleversement que cela va avoir sur nos vies mais surtout sur celles de nos enfants. Il nous raconte aussi ses années d’enfance avec sa sœur auprès de parents complètement défaillants. Il nous fait part de ses difficultés, de ses hauts et ses bas liés à la Bande-Dessinée. Ainsi il soulève la question de ce qui nous est donné par les liens de filiation, d’amitié, professionnels mais aussi par les choses que l’on imprime en l’autre et ce que l’on laissera derrière soi malgré soi. Il se fait l’interrogateur d’une génération, la dernière a pouvoir changer les choses pour notre avenir commun sur terre, mais aussi la première qui vivra les bouleversements dûs au dérèglement climatique, celle qui devra faire preuve du courage de ceux qui n’ont pas joui des 30 glorieuses mais qui devront faire preuve d’abnégation pour les suivants. Et tout cela il le fait avec l’intelligence d’un narrateur qui a bossé sur de nombreux projets et qui nous livre une lecture aboutie, fluide, franche, sans condescendance ni pathos. Et Il le fait avec son style graphique à mi-chemin entre le dessin de presse, la BD gros nez et le réalisme ligne claire. Voilà en somme un premier tome émouvant, indispensable, témoin d’une génération qui va voir de grands bouleversements.

Et j’aimerai terminer ce coup de cœur sur cette citation d’Antoine de Saint-Exupéry : « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. ».

Merci Messieurs De Bonneval et de Saint-Exupery de nous rappeler quelles devraient être nos priorités : nos enfants et tous les enfants de la terre.

Publié le 10 août 2024