Avec la chute du mur de Berlin, c'est une page qui se tourne, mais c'est aussi l'URSS qui implose. Deux copains, que tout semble opposer, font du système D une façon de survivre, à défaut de vivre. Slava est un artiste qui ne croit plus en rien tandis que Lavrine croit au monde qui s'ouvre à lui, celui de l'exploitation et du capitalisme. En attendant de trouver une route, ils empruntent des chemins qui les mènent vers une mine à l'agonie. On leur crie à l'aide, le premier épouse la cause en espérant autre chose, tandis que le second répond "bien entendu" dans un sourire carnassier. Si vous ne connaissez pas ce triptyque réparez cette erreur sans plus tarder. Pierre-Henry Gomont, après Pereira Pretend et Malaterre, explore avec beaucoup de profondeur et de justesse un monde oublié et désoeuvré qui en dit long sur le monde que nous connaissons.

Slava nous raconte en voix-off ce bouleversement idéoligique et systémique , ce virage au frein à main pris par la Russie au lendemain de la Chute du Mur, ce passage du collectivisme théorique à l'individualisme ultra-capitaliste. C'est l'histoire de quatre personnages attachants, entiers et traversant un nouveau Far West à la sauce slave. Ce Far East est nourri d'amitié profonde, fragile et de passion amoureuse parasités par la corruption, la soif du toujours plus, la trahison et la manipulation. L'intrigue est prenante, bien construite, l'auteur est de grand talent au dessin comme à l'écriture.