Bien belle grosse pavasse que voilà. Elle était depuis longtemps dans l’étagère, avec l’envie de renouer avec cet univers absolument incroyable, mené de main de maître par Serge Lehmann.
La Brigade Chimérique, c’est un univers uchronique, une Europe des années 30 où l’URSS dispose de méchas, que l’Europe est la terrain de jeu de bon nombre de super-héros et où l’on suit le soldat Séverac, ayant travaillé avec Marie Curie et possesseur d’une bague aux pouvoirs étranges. Très franchement, avec Gess au dessin sur ce premier cycle, on tutoie l’excellence d’un Hellboy, ou d’un BPRD au moins (les codes graphiques étant un hommage à Mignola), et l’Atalante a eu la bonne idée de republier tout ça en intégrale à l’occasion de la sortie de ce second cycle baptisé « Ultime Renaissance ».
On doit citer aussi Masqué, en collaboration avec Stéphane Créty, mais aussi Metropolis, qui a permis à Lehmann et De Caneva de collaborer sur une première série qui convoque l’esprit de Fritz Lang et consorts. Et forcément, le grand œuvre de Serge Lehmann nous saute aux yeux : réactiver, réadapter les super-héros ayant existé en Europe et leur redonner du lustre, les faire revivre, eux qui sont écrasés par le poids de leurs homologues américains.
Il y a du coup une ambiance très « meta » dans ce second cycle, les écrivains à l’origine des divers super-héros cités devenant leurs « biographes », mais surtout que tout le monde semble avoir oublié ces super-héros européens, ce qui sert justement l’intrigue mais s’avère être vrai, dans notre réalité. C’est une porte d’entrée, ou en tout cas un choix narratif très malin, encore faut-il apprécier ce genre de titre faisant clairement référence à notre monde réel qui affine la barrière entre réalité et fiction, le quatrième mur étant parfois sur le point de péter (vous vous doutez bien qu’on y souscrit).
Sur ce long marathon de plus de 200 pages qui se lit d’une traite, De Caneva excelle, et le chapitrage nous tient en haleine, rythmé à la façon de fascicules « « à l’ancienne » là où le premier cycle était sorti en plusieurs volumes, l’un après l’autre.
Mention spéciale aussi au supplément documentaire de fin d’album, particulièrement généreux dans toutes ses références à une littérature, un mouvement complet ayant sombré dans les limbes, ainsi qu’à l’aventure éditoriale qu’a représenté cette belle pavasse (comme dit plus haut) dont on s’est régalé, et dont on espère que vous ferez autant.