L'enquête que Basile Far mène à propos d'une étrange disparition le conduit dans un village qui va devenir le centre du drame psychologique que Bézian décortique selon un dispositif d'encerclements successifs. Basile a appuyé sur la touche "rewind" de son lecteur mp3 et voilà que tout un monde se révèle à l'aune des distorsions temporelles auxquelles est confrontée une France aux contours surannés.

La solitude violente et poétique éprouvée par Basile hante cette province simenonienne, une distance qu'on connaît aux personnages des livres de Muñoz et Sampayo, seuls face à la brutalité du monde mais garants d'une cohérence dans leur propre cheminement. Le travail en trames, là où d'aucuns auraient utilisé le sépia, ajoute un ingrédient subtil et graphiquement essentiel au déséquilibre caractérisant le personnage. Il y a une grande justesse dans le rythme de narration et le choix des éléments consacrés au maintien d'un vrai faux suspense qui n'est rien d'autre que l'expression de la vie, c'est-à-dire le style et les sentiments.

Frédéric Bézian est un des auteurs les plus singuliers et les plus intéressants de la bande dessinée actuelle. Aller-retour est son chef d'œuvre. Ce livre condense en 80 pages toute l'élégance d'un trait incisif, d'une écriture inspirée et d'un lettrage admirable. L'enfance n'est jamais très loin des plus beaux romans et c'est le cas ici où coule cette musique qu'une lecture agrémentée de Miroirs de Maurice Ravel ne saura que magnifier.