Drôme provençale, 1910. La filature familiale de Louis Bouscaret fait depuis peu face à une concurrence croissante venant de l’étranger. Son usine-pensionnat, qui recueille les orphelines et filles abandonnées de la région, bénéficie de leur travail acharné en échange d’une "éducation" assurée par la sévère soeur Agnès. Henriette, une nouvelle arrivante au visage à demi-caché derrière une mèche, rêve de dessiner un jour ses propres robes.
Les rangs des ouvrières – éreintées par des journées à rallonge et par la sévérité de soeur Agnès – sont peu à peu gagnés par le désordre lorsque l’une d’elle est touchée par une pneumonie.
Pendant ce temps, chez les Bouscaret réapparaît Hyppolite, le cadet des enfants qui traîne avec lui le lourd secret familial. Mais lorsque le fils honni et la travailleuse révoltée se rencontrent, débute une idylle impossible dans laquelle prend racine des envies de subversion.
Tour à tour arrivées par convoi, Rose, une toute jeune pensionnaire de 14 ans, puis Suzanne, fille de bonne famille ayant fui un mariage arrangé, rejoignent bientôt l’entourage d’Henriette. Elles s'unissent face à l'oppression, animées par un même besoin d'émancipation.
Une filature menacée par la concurrence étrangère, un fils honni qui ressurgit, des orphelines asservies… un vent de changement souffle sur l’usine-pensionnat Bouscaret.
Ce récit combinant histoire industrielle du début du XXème siècle et trajectoire individuelle m'a emportée !
Le contexte social, consternant, se greffe à une intrigue amoureuse entre 2 protagonistes qui ne sont pas issus du même monde mais qui partagent certaines valeurs. Tour à tour révoltée par la situation de ces femmes exploitées et séduite par l'histoire d'amour, ce titre a tout de la saga familiale qui nous fait vivre un tourbillon.
Les personnages ont du relief et ne laissent pas indifférents et cette montée en puissance vers la révolte ouvrière non plus.
En somme, une lecture prenante et intelligente sur une partie peu connue de l'histoire ouvrière et, déjà, des combats féministes.
Petit bonus historique, un cahier documentaire particulièrement intéressant sur les usines-pensionnat conclut le roman graphique.