Bertrand, libraire chez
TRIBULLES
Lucas Harari, depuis l'Aimant, sa première publication chez Sarbacane, est un auteur dont on adore le travail. Fortement inspiré par l'architecture, des influences graphiques des années 80 notamment, il déploie une patte élégante au long de sa bibliographie.
Coup de pot, son frère n'est autre que Arthur Harari, co-scénariste du film "L'Anatomie d'une Chute", excellent film.
Ensemble, ils aboutissent ce "Cas David Zimmermann" qui recèle d'une vraie richesse narrative, bien imprégnée de fantastique mais qui fait la part belle aux réflexions de ses personnages.
On suit donc (roulement de tambour) David Zimmermann, trentenaire photographe qui croise une belle jeune femme à un mariage ou il loue ses services. IL la recroise quelques temps après à une fête de Nouvel An et paf, ils couchent ensemble, sans même se dire un mot. Le lendemain, grosse gueule de bois et David se rend compte que...son esprit est dans le corps de cette femme !
Quiproquos en chaîne, tentative de retrouver son corps à lui, et on va pas basculer dans ce genre de récit truculent sur fond de comédie à l'américaine : les choses vont rapidement empirer, se complexifier, déboucher sur d'autres problèmes.
C'est là que "Le Cas David Zimmermann" est absolument génial, c'est cette capacité à vous faire espérer une résolution pour les personnages auxquels on s'attache, un peu d'espoir apparaît, mais il débouche sur une situation plus difficile, ou pire, totalement inattendue. Ce qui amène une sorte de résignation face à la situation de départ où on se disait que tout va rentrer dans l'ordre, bien sûr, et de fil en aiguille, se dire que bah...juste rester vivant, ou en bonne santé, serait pas si mal en fait.
Cette résignation, c'est le véhicule de toute l'allégorie que j'y ai vue dans "Le Cas..." : être un homme dans un corps de femme, c'est pas évident, et mine de rien la société et les gens autour de nous ne nous traitent pas de la même manière (surprise !). Comment être coincé dans un corps qu'on ne veut pas ou qu'on connait peu peut être inconfortable; on peut même y voir le fait de vieillir, dans ce ressort fantastique d'échange de corps.
Bref, le fantastique au service de questionnements sur la société et la nature humaine en général, c'est toujours un régal à lire, surtout quand c'est bien fait ce qui est bien entendu le cas ici.