Le monde dystopique que décrivent Macola et Dabitch s’inscrit dans un sillon italien que Gipi dans La Terre des fils et Fior dans Celestia avaient commencé de creuser : Venise et ses labyrinthes, la permanence ou la fuite. Fior empruntait à la poésie. La rage animait Gipi. Dans un registre résolument politique mais tout autant habité, Le Passeur de lagunes raconte une Sérénissime à la fois recroquevillée sur elle-même et en proie à toutes les convoitises migratoires. Comme un symbole, un modèle réduit…

Dans ce chaos déshumanisé sans échappatoire si ce n’est celui d’organisations secrètes – Venise restera toujours Venise – un enfant presque pas encore adulte a perdu son papa. Paolo cherche Gabriele qui ne donne plus de nouvelles. Gabriele lui a tout appris des lagunes et de la survie. Maintenant il n’est plus là et Paolo a encore besoin de lui. 

Voilà la trame et il n’en faut pas davantage pour vous bouleverser. Il suffit des aquarelles inspirées de Piero Macola, des dialogues susurrés dans la retenue, des grandes étendues de silence pour vous emporter dans ce paysage pas tellement plus futuriste qu’on voudrait bien le croire. Papa où t’es ?