Un coup de coeur, on peut l'avoir :
- pendant la lecture (et la fin ne gâche rien)
- à la fin de la lecture (NOM DE D'LA CE TWIST EST DINGO, par exemple)
- "mais en fait, c'est un coup de coeur".
- "ah merde, en fait c'est un coup de coeur".

L'Arpenteur fait partie de cette quatrième catégorie. Je repense régulièrement à certains passages du titre en me disant "et ça, c'est en vrai ou il l'a rêvé ?". C'est une sensation plutôt désagréable, de ne pas savoir réellement ce que l'on m'a raconté, de s'être fait balader et que l'expérience de lecteur que je peux avoir est malgré tout balayée par une narration bien plus subtile que ce qu'une première lecture peut donner.
Bon, l'un des faits concernant "L'Arpenteur", c'est un trait très beau, qui utilise ce qu'on aime de Otomo, les petites références kiffantes à René Laloux. Tout est cohérent et sait créer une ambiance qui tape dans ce registre "science fiction vintage remise à neuf". Mais encore et toujours ce sale goût en bouche de s'être fait balader. Plus jeune les films façon "mindfuck" me captivaient, c'est audacieux en tant qu'artiste de créer quelque chose qui n'est pas immédiatement identifiable par son spectateur. Mais en vieillissant, un bon truc carré, ça défile, on sait où on va, c'est agréable aussi. Mais "L'Arpenteur" en a sous la pédale, et j'ai au final l'impression d'être passé à côté.
Comme le dit si bien Larcenet, "un bon scénario sauve un mauvais dessin, mais un bon dessin ne sauve pas un mauvais scénario". Et c'est pas, de manière sûre, le cas.
RAjoutons que face au diamant noir qu'est "La Route", les récits de Terre dévastée et sans espoir sont toujours difficiles à assimiler. On est sur la même veine ici, c'est ce qui renforce mon phénomène de défiance à ne pas considérer le titre à la hauteur de ce qu'il mérite ?
Bref, je vais le relire, et je dois bien admettre que c'est une sensation pas agréable, mais satisfaisante pour le moins, d'être toujours questionné par une oeuvre. On ne vieillit peut être pas si vite après tout.

Clairement influencé par l'école Métal Hurlant, c'est ici une plongée onirique et contemplative dans une Terre dévastée. Une lecture rapide mais au dessin fabuleux !