Plus personne ne fume de brun. Et la Seita, fameuse société nationale des tabacs, avant d’être privatisée dans les années 90 puis rachetée par un groupe britannique, ne fabrique plus ses Gitanes ni ses Gauloises, du moins sur notre territoire. Ciro abuse de ces dernières, au mépris de ceux qu’il empeste, il est comme ça, Ciro, individualiste et méchant. Il est né vieux et sans doute dépourvu de tout sentiment affectueux. Ce qui explique sa condition de tueur.

Une fois encore (après Rhapsodie en bleu chez le même éditeur), le travail des pastels d’Andrea Serio apporte à l’œuvre cette atmosphère distanciée, comme une synthèse entre l’impressionnisme et un réalisme mélancolique à la Hopper. Le texte d’Igort, dans sa dimension évanescente, est taillé à la mesure des inspirations vaporeuses de Serio : elliptique, détaché des contingences de calibres, il accompagne dans un mouvement poétique les étendues silencieuses où se mêlent les sensations des personnages et celles du lecteur qui se rappelle que cette alchimie et cette manière de traiter le récit noir appartenaient jusque là au tandem Loustal et Paringaux.