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Pessoa ne prétend pas

Fred, libraire chez ESPRIT BD

La majorité des biographies en bande dessinée n’ont aucun intérêt. Elles sentent la commande, la sueur et la célébration d’une naissance ou d’un décès. Autant lire une notice Wikipédia, c’est plus rapide et moins agaçant. Les autres, celles qui tiennent la route ont adopté un angle de narration adapté au langage de la bande dessinée, qui justifie son utilisation. On se souvient de la performance de Typex avec son Andy acquis à la forme elliptique, épousant les repères graphiques propres à Warhol et à son époque ; on essuie une larme en pensant au Ludwig avant Beethoven de Mikael Ross dont le prétexte biographique dissimulait surtout les sujets de la musique et de l’enfance. Nicolas Barral, en se saisissant du personnage énigmatique de Pessoa, rejoint la catégorie des biographes ayant su dépasser la notion de « support » et s’emparer, au-delà des manières du poète, d’une ville, d’une époque et d’un esprit au sein duquel se forge la littérature. Peut-on d’ailleurs parler de biographie ? Le personnage du jeune Cerdeira, chargé de la rédaction du billet nécrologique de Pessoa, est là pour s’en charger. Barral, lui, attrape la poésie au vol. Même si des éléments de la (fin de) vie de l’Intranquille s’agrègent au récit, il est surtout question de la schizophrénie qui l’habite et des sources réelles ou fantasmées de son inspiration, il est question de la nécessité de l’art pour nous aider à vivre. Le trait épais de Barral nous transporte dans des décors somptueux du Lisbonne des années trente que hante ce personnage fuyant, aux autres autant qu’à lui-même. Mais comme tout un chacun le sait, c’est dans leurs livres que l’on apprend le mieux des écrivains. Pessoa dans celui-là n’est plus jamais personne ; à la grâce de la peinture qu’en dresse Nicolas Barral, il devient quelqu’un.

Publié le 22 nov. 2024

Marine, libraire chez BD FLASH Chartres

Cette bande dessinée, c'est une ode à la poésie, celle de tous les jours – que l'on peut être tenté de ne plus voir et d'oublier – et alors là, on ne peut que remercier messieurs Pessoa et Barral.

Le poète portugais était trouble aussi, aux multiples hétéronymes ; ce qui l'a rendu excellent dans l'art du "transformisme littéraire".

"C'est peut-être le dernier jour de ma vie, J'ai salué le soleil, en levant la main droite, Mais je ne l'ai pas salué pour lui dire adieu, J'ai fait signe que j'aimais bien le voir encore : rien d'autre."

Le plus beau est encore d'arriver à cette double page 66-67, véritable hymne à l'écriture et à la littérature ; maintenant, il ne tient qu'à vous de vous saisir de cette BD !

Publié le 25 sept. 2024