Ô sombre héros de la ligne claire, gloire à toi Aurélien Maury ! Ou devrait-on écrire ligne clairement ambiguë tant la pureté du trait et sa parenté avec l’école de Bruxelles suggérerait le classicisme sage. Car Oh, Lenny conduit son lecteur sur une piste trompeuse, tout d’abord lisse comme un enrobé neuf, puis bosselée, enfin totalement sauvage. Dès les premières pages, la maîtrise du rythme de narration et de la mise en scène opère. Maury nous a ferrés dans son système aigre-doux. On ne sait pas où on va mais on y va, un peu comme avec Psychose ou Les Dents de la mer. Les ingrédients s’ajoutent les uns après les autres dans une spirale qui n’autorise jamais le retour. Le malaise ne fait que s’accentuer à mesure que June, l’héroïne, s’enferme dans le rejet de la vie en carton et dans l’amour qui l’unit à la créature qu’elle a recueillie. Derrière le suspense que réserve au premier abord ce véritable page turner, un dispositif métaphorique s’insinue, qui concerne notre place dans un monde qui ne se retourne pas davantage que l’engrenage Oh Lenny. Maury réussit à conjuguer le long de ce récit-fleuve la fluidité, la surprise et l’intelligence.