Produire et consommer des contenus, voila ce à quoi notre monde s’est assigné. L’histoire a disparu au profit de l’instant, les penseurs ont fait place aux influenceurs, la réaction a remplacé l’analyse. Prolongements des corps, substituts des cerveaux, les smartphones ont imposé le format de narration dont on les a nourris et le rythme des séquences qui s’y bousculent, comme prises dans les boucles d’un grand huit. Stacy est le reflet de ce monde. La particularité des livres de Gipi repose sur la faculté de leurs protagonistes à rendre normale une situation qui résulte d’un basculement. Qu’il y soit question de la guerre, du déluge ou de cette vie cadenassée par la culture et la communication numériques, les personnages se révèlent dans l’assimilation d’un paradigme né d’une révolution. Des scénaristes de télé-réalité jouent dans Stacy le rôle de démiurges imbus d’eux-mêmes ou gangrenés par le souffle de la décadence. Ils se débattent avec les mêmes arguments que les figurines qu’ils contrôlent, dans un tempo qui colle au langage saccadé des plateformes où ils sévissent et des réseaux où ils déversent leur fiel. Le découpage répond à la structure formelle des séries où sont montés en enfilade des plans de moins d’une seconde. Les répliques s’étirent de cette manière épileptique dans plusieurs bulles et de nombreuses cases. Les phrases se répètent à l’image des réels de TikTok ou d’Instagram comme pour accentuer la folie qui s’est emparée de Gianni ou bien annoncer celle qui nous tend les bras. Stacy, sous des dehors de conte morbide et d’allégorie n’est rien d’autre qu’un documentaire inspiré, cynique et poignant.

Quelques mots de trop lors d’une interview et la vie de Gianni bascule : scénariste en vogue pour une série à succès victime d’un « bad buzz », il va devoir batailler dur dans l’espoir d’être réhabilité professionnellement, de regagner le cœur de son public et surtout de venir à bout de son double maléfique en passe de le faire sombrer définitivement dans une véritable folie meurtrière.

Gianni est scénariste à succès dans le petit milieu branchouille des séries TV. Lors d'une interview, une de ses réponses va déclencher une tempête de m.... sur les réseaux sociaux. Dès lors, Gianni va se retrouver isolé, et fantasmer en réaction un alter ego maléfique. L’auteur de La Terre des fils, pose son regard acerbe sur le poids des réseaux sociaux, notre envie de plaire à tout prix où l'avis des autres change ce que nous sommes.