On avait découvert Chip Zdarsky et son humour décalé (oui, « Chip Zdarsky » c’est un pseudo) avec la série Sex Criminals (il était au pinceau) et du chemin a été fait depuis, Chip est actuellement un des scénaristes les plus en vogue de la Maison des Idées, a.k.a Marvel.
Stillwater, chez Delcourt, ça a l’ambiance de ce projet indé qu’un créateur peut avoir dans ses tiroirs, qu’il laisse mûrir pour un moment avant de le proposer. Toutefois, bien qu’on ne soit pas dans les parutions de premier rang des gros éditeurs comics, on a une équipe de choc, avec Zdarsky au scénario donc, Ramon K Perez au dessin et Mike Spicer aux couleurs (qui eux aussi, ont une bibliographie d’artistes aguerris et talentueux).
On part sur de bonnes bases déjà : les auteurs mettent vraiment leur virtuosité au service d’un album divertissant, intelligent, bien mené, avec un cliffhanger de ouf à la fin (les séries sont passées par là).
Mais ce pourquoi on aime Stillwater, c’est ce postulat de la série qui est génial : un village dont les habitants sont immortels, et qui se rendent bien compte que pour vivre tranquillement il va falloir faire profil bas. Et qu’un gars du cru, exfiltré du village en étant petit revienne mettre le boxon malgré lui. Le parti-pris du réalisme de cette immortalité envisage plein de conséquences qui rendent le quotidien de Stillwater plus proche d’une malédiction que d’un cadeau divin, et fait basculer le tout dans un récit à la Stephen King, ce qui est toujours le bienvenu.
Au-delà du cadre horrifique, cette immortalité est une métaphore simple mais puissante de la peur de l’étranger, de l’entre-soi, de la sensation d’être investi d’une mission divine et de ne pas hésiter à utiliser la force pour le maintenir ; contexte qui s’adapte à malheureusement trop d’exemples.
Bref, tout est parfaitement balancé ici, entre pleine possession de ses moyens pour les artistes, ambiance horrifique matinée d’une réflexion sur la nature mesquine de l’Humain : du très bon, à intégrer à sa bibliothèque au plus vite.